Patrick Devedjian : « La propagande négationniste est totalement invivable »

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MM. Patrick Devedjian et Jean-Jacques Saradjian

Discours de M. Patrick Devedjian, Président du conseil général des Hauts-de-Seine, lors de la fête champêtre du 16 juin 2013 au collège Samuel Moorat

 

 

"Je vais répondre à votre question, chers amis.

Tout d’abord, cela dépend de la communauté arménienne pour l’essentiel, comme d’ailleurs tout ce qui a pu être fait dans la progression de la communauté et de la cause arménienne. Moi je veux dire deux choses.

Je suis très heureux d’être ici. J’y viens très rarement, la dernière fois que j'y suis venu c'était  il y a un peu plus de 20 ans. La première fois c’était en 1955 donc c’est assez loin. Mais finalement , ce lieu qui est plein de souvenirs et qui pour moi d’ailleurs est fondateur de mon identité arménienne. C’est ici que j’ai appris profondément ce que c’était que d’être arménien. J’en suis reconnaissant aux pères qui m’ont appris ça parfois un peu sévèrement mais c’est resté. Et dans le fond, cet endroit n’a pas beaucoup changé. Je le dis parce que c’est bien pour la nostalgie de retrouver ses repères dans un lieu de mémoires mais je le dis aussi d’une manière un peu critique par la difficulté qu’ont les Arméniens à faire évoluer les choses et à faire avancer leurs projets.

Et donc, je suis heureux qu'il nait cette idée d’une fondation pour y faire, André (Santini ndlr), non pas seulement un monument, un monument, oui, mais surtout un musée du génocide pour répondre à la propagande négationniste qui pour nous, est totalement insupportable et invivable. Totalement invivable.

On a beau dire, on a beau faire, on ne s’y habitue pas. On ne s’habitue pas au négationnisme, au fait que nous ne sommes pas arrivés pour la plupart d’entre nous en France par hasard, nous sommes arrivés en France à la suite d’un grand malheur qui est arrivé pendant la première guerre mondiale, le génocide dans lequel nos parents ont été les victimes parce que, ils étaient les alliés de la France. Il ne faut pas que les Français d’origine l’oublient et il ne faut pas que les Arméniens l’oublient non plus. Nous sommes morts pour la France pour ceux d’entre nous qui ont disparus, nous sommes morts pour la France. Et donc, dans cette terre qui nous a  accueillis aussi avec générosité et dont la générosité continue à travers ses élus, à travers ce qu’ils font, nous voulons simplement que dans notre identité de citoyen français, notre origine soit préservée dans son identité, sans vanité, sans orgueil.

Simplement parce que c’est fondamental pour notre dignité simplement et je crois aussi pour la dignité de la France. Parce que la France avait écrit le 24 mai 1915, un mois après le début du  génocide, la France avait écrit, c’est son honneur, elle avait écrit que la Turquie qui commettait un crime de guerre, un crime contre l’humanité et c’était la première fois que le concept apparaissait dans la diplomatie et dans le droit international « La Turquie devrait rendre compte après la guerre de cet immense crime contre l’humanité ». C’est la France qui avait fait ça et c’est son honneur et c’est aussi pour ça qu’on l’aime et c’est pour ça que dans la souffrance on est venu vers elle et c’est pour ça qu’on est attaché aussi à ce que son honneur soit intact.

Donc nous voudrions  que dans ce pays qui nous a accueillis, nous soyons en mesure de répondre par des preuves, par des actes, par des témoignages, par mille choses, de cette histoire qui fait l’origine de notre présence ici. Et donc en ce lieu, celui du baron Bacler d’Albe, le peintre et géographe de Napoléon, c’était un géographe, cartographe, dans ce lieu qui est déjà un lieu historique de la France. Et puis c’est bien aussi que la cartographie puisse s’étendre jusqu’à l’Arménie. Nous voudrions faire un centre de documentation, un musée du génocide. Il y en a un naturellement à Tzitzernagapert, beaucoup d’entre vous le connaisse, y sont allés mais nous voudrions ici pour la diaspora, qu’il y en ait un dans ce lieu de communication intense, dans ce lieu emblématique intense qu’est la France, ici à Sèvres où a été signé le traité de Sèvres « qui ressuscitait l’Arménie », « qui ressuscitait l’Arménie » et qui a été trahie en moins de trois ans. Il faut moins de trois ans pour un homme politique pour renier sa signature, même pas sa parole, sa signature, dans ce lieu de Sèvres si emblématique de notre histoire et de l’injustice que nous avons subie. Nous voudrions qu’il y ait cette réponse documentée au négationnisme odieux dont nous continuons à être les victimes persécutées.

Et donc, bien sür, les élus nous suivent parce qu’ils connaissent l’histoire. Les Arméniens sont un peu les casse-pieds, ils ne laissent à personne ignorer leur histoire. Mais vous avez donc été obligé de l’apprendre vous qui êtes élus les uns et les autres mais nous voulons qu’ici, si on veut savoir, il n'y a pas d’endroit en France, faut faire des recherche énormes. Si on veut savoir il faut qu’il y ait un endroit où on a tout pour savoir de manière facile et simple.

Vous savez, il n'y a pas un français sur mille qui sait que l’Arménie a été sous mandat français à partir de 1916 avec un haut commissaire en Arménie qui s’appelait M. Georges-Picot et que les Arméniens étaient réfugiés à partir de 1916 sous le drapeau français ont constitué une légion arménienne qui a combattu aux côtés de l’armée française, il n'y a pas un français sur mille qui sait cela. Et c’est l’histoire de France !

C’est l’histoire de l’Arménie mais c’est l’histoire de France. Et donc nous voulons qu’il y ait un endroit là qui permet d’accéder facilement pour tout le monde et aux gens honnêtes qui veulent s’informer de le trouver. Ça dépend d’abord de la communauté arménienne, si vous êtes incapable de vous mobiliser, n’attendez rien des autres. Vous pouvez demander aux autres si vous vous levez vous-mêmes. Et malheureusement, chez les Arméniens, les choses sont toujours très lentes, mon cher André, très lentes. Malgré la bonne volonté de leurs amis qui est manifestée par leur présence ici, aujourd’hui mais qui constamment les accompagne sur le chemin. Je dis à la communauté arménienne qu’elle doit se mobiliser. Elle a commencé à le faire, nous n’avons pas obtenu la reconnaissance du génocide arménien par hasard, nous continuons à nous battre contre le négationnisme mais le combat continue.

C’est un combat éternel mais vous avez l’habitude, vous êtes un peuple de survivants, vous êtes un peuple qui a connu un très long martyrologue, de très grandes difficultés. Vous êtes arrivés dans ce pays dans la misère, vous êtes arrivés dans ce pays dans le dénouement absolu, vous êtes devenu des citoyens à part entière comme les autres. Vous avez le droit de citer, vous êtes reconnus pour ce que vous êtes dans votre identité. C’est une belle victoire : « La victoire de l’intégration ». C’est une victoire pour la France et une victoire pour vous, une victoire des deux mais rien n’est terminé, le combat continue.

Texte depuis la source vidéo dans son intégralité : Jean-Jacques SARADJIAN

Sources vidéo & photo : Armand CICEK

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